Bruno brisa dès lors les derniers liens qui le retenaient au monde, et, inspiré du Ciel, il se rendit à Grenoble, où le saint évêque Hugues, répondant à ses aspirations vers la solitude la plus profonde, lui indiqua ce désert affreux et grandiose à la fois, si connu sous le nom de Grande-Chartreuse. Il fallut franchir de dangereux précipices, s'ouvrir un chemin à coups de hache dans des bois d'une végétation puissante, entremêlés de ronces épaisses et d'immenses fougères ; il fallut prendre le terrain pied à pied sur les bêtes sauvages, furieuses d'être troublées dans leur possession paisible. Quelques cellules en bois et une chapelle furent le premier établissement. Le travail, la prière, un profond silence du côté des hommes, tel fut pour Bruno l'emploi des premières années de sa retraite.
Il dut aller, pendant plusieurs années, servir de conseiller au saint Pape Urbain II, refusa avec larmes l'archevêché de Reggio, retourna à sa vie solitaire et alla fonder en Calabre un nouveau couvent de son Ordre. À l'approche de sa dernière heure, pendant que ses frères désolés entouraient son lit de planches couvert de cendres, Bruno parla du bonheur de la vie monastique, fit sa confession générale, demanda humblement la Sainte Eucharistie, et s'endormit paisiblement dans le Seigneur.
Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Abbé Jaud